Par le chant, être en communion et entrer dans la prière
« Chanter, c’est prier deux fois », affirmait Saint Augustin. Le chant et la musique occupent une place particulière dans la messe ou les temps de prière. Mais encore faut-il savoir comment bien l’accorder avec le silence, avec l’assemblée, avec les sensibilités diverses. Entretien avec Marie, pianiste, et Antoine, violoncelliste, engagés au sein de l’équipe de la pastorale liturgique et sacramentelle du diocèse, coordinateurs des « Frats chantantes » et fondateurs du service Animae.
Qu’est-ce que le chant apporte à la liturgie ?
Antoine : Le chant permet à l’assemblée de participer activement à la célébration et à tous les fidèles d’unir leurs voix et d’être en communion. Le chant est composé de paroles et de musique. Or, la musique a un pouvoir que la parole n’a pas et réciproquement. Donc le chant représente la symbiose des deux et permet aux fidèles un moment de ferveur et de prière. Pour cela, le chant est sans doute une des plus belles choses que l’on peut offrir, un temps où l’on met de côté les soucis et les épreuves pour s’unir au Créateur.
Comment bien choisir les chants pour une messe ?
Marie : Plusieurs dimensions entrent en compte pour le choix des chants. D’abord, la dimension liturgique qui varie selon le temps de l’année et les moments de la messe. Concrètement, un chant donné va généralement se prêter à un moment précis (entrée, communion, envoi…). Parfois il peut y avoir des hésitations sur un chant ; dans ce cas, nous regardons les paroles pour nous assurer qu’elles correspondent au moment de la liturgie souhaité. Même s’ils sont beaux et entraînants, tous les chants ne se prêtent pas à tous les moments de la messe. A la dimension liturgique s’ajoute la dimension pastorale, qui consiste à adapter le programme de chants à l’assemblée, en tenant compte du degré de pratique religieuse, du référentiel culturel, de la moyenne d’âge… En lien avec cette donnée, nous proposons des chants plus ou moins connus pour être au plus près de la réalité de l’assemblée afin qu’elle puisse participer pleinement à la messe. Il ne faut pas que les animateurs assurent une performance devant une assemblée uniquement spectatrice. Notre objectif premier, c’est que les gens s’impliquent pleinement dans la liturgie et chantent avec nous ! Pour des mariages ou des funérailles, nous sommes à l’écoute des familles, notamment lorsqu’elles nous demandent des chants particuliers, qui leur tiennent à cœur. Nous vérifions toujours que ces chants s’intègrent bien à la liturgie pour garantir la cohérence de la musique avec le rite liturgique. Nous composons avec ces tous ces éléments pour proposer des célébrations sur mesure, dans le respect du cadre de l’Eglise.
Quelle différence y a-t-il entre un chant pour la messe, un chant pour la louange, un chant pour la prière du soir ou pour une prière d’intercession ?
Antoine : La liturgie de la messe est très riche et pensée dans les moindres détails, c’est vraiment de l’horlogerie fine. Chaque moment invite l’assemblée à une certaine démarche et à passer d’une étape à une autre. Tous les chants ne conviennent pas à cette progression de la messe que l’on fait vivre à l’assemblée. Dans un temps de louange ou de prière, en revanche, nous sommes plus libres de la méthode, et donc des paroles et des chants choisis, que l’on souhaite s’adresser au Père, au Fils, à l’Esprit Saint ou à la Bonne Mère. Rien n’est prédéfini pour ces temps-là, contrairement à la messe où toute la liturgie a un sens et une grande cohérence qu’il est bon de respecter.
Du grégorien à la pop-louange, y a-t-il un type de chant qui correspond mieux à la liturgie ?
Marie : La question est un peu sensible (rires). On ne peut évidemment pas construire la liturgie à partir des goûts musicaux de chacun, mais on ne peut pas non plus ignorer la réalité de l’assemblée que l’on sert. Le grégorien, c’est magnifique, mais si on anime une messe dans un collège, on ne va peut-être pas proposer un répertoire 100% latin ! Dans une petite paroisse classique, nous veillons aussi à proposer des chants connus de tous, et à proposer des nouveautés seulement par petites touches. Une belle pièce polyphonique pour l’offertoire, ce n’est ni du grégorien, ni de la pop-louange, et pourtant elle accompagne magnifiquement ce temps de la liturgie. Quoiqu’il en soit, il y a un vrai enjeu à d’adapter à l’assemblée présente tout en respectant la liturgie et en gardant une forme d’éclectisme et d’universalité dans le programme de chants proposé.
Antoine : Ce que la liturgie peut offrir de plus précieux, c’est la paix ! Les personnes arrivent parfois à la messe le dimanche, avec leur lot d’épreuves et de souffrances quotidiennes, et cela peut être délicat de chercher à les faire entrer directement dans une dimension de joie. Selon le public, il peut être sage de choisir des chants avec une certaine pudeur. Ceci dit, quand la liturgie nous invite à la joie, il ne faut pas s’en priver. Et certaines occasions s’y prêtent vraiment : je ne vois aucun problème à mettre des percussions dans une église si c’est pour soutenir cette joie-là.
Les instruments ont-ils tous leur place dans la liturgie ? Pourquoi l’orgue est-il le plus utilisé ?
Marie : L’orgue occupe une place privilégiée dans les églises pour des raisons à la fois historiques et pratiques. Sa puissance est adaptée aux églises et aux cathédrales et symboliquement, il incarne le chant de l’assemblée. Aujourd’hui, on constate un renouvellement des répertoires qui va de pair avec une certaine désaffection pour l’orgue au profit d’autres instruments. A titre personnel, je pense que tous les instruments, s’ils sont au service de la liturgie, peuvent avoir leur place dans une messe. Ce n’est pas l’instrument en lui-même qui est déterminant mais la posture du musicien et la manière dont on en joue. Cela vaut autant pour un guitariste ou un percussionniste, que pour un organiste : si le musicien est au service de la liturgie, sa musique est un vecteur de prière et de communion. Dans le cas inverse, il peut malheureusement aller à l’encontre de ces deux points. Ce sont des questions cruciales pour nous.
Et le silence, quelle est sa place ?
Marie : Pour prolonger mon idée, je pense qu’il est important que des musiciens et des chanteurs puissent s’effacer à des moments de la liturgie où on n’a pas besoin d’eux et où leur intervention peut relever du ‘trop-plein ». Par exemple, après l’homélie, quand le prêtre prend un moment de silence, un musicien pourra être tenté de meubler pour combler toutes les interstices… eh bien, non ! C’est important, en tant que musicien ou chanteur, de respecter ces silences. Le but n’est pas de faire une performance mais d’accompagner la beauté de la liturgie. Et le silence doit y avoir une place.
Propos recueillis par Sophie Lecomte
Animae a été lancé en février 2024 par Marie Cussonnet et Antoine Rose à Marseille. Ils proposent un service d’animation musicale pour les célébrations à l’église comme les baptêmes, les mariages et les funérailles. Animae accompagne les familles dans la préparation de programmes musicaux afin de rendre les liturgies belles, priantes et mémorables. En plus de l’animation musical, Animae propose de concevoir et imprimer les livrets de messe pour soulager les familles et leur permettre de vivre pleinement cette cérémonie importante dans leur vie. Animae se déplace dans toute la région Paca et recherche activement des musiciens, en particulier des chantres, ponctuellement ou régulièrement, avec quelques disponibilités en semaine.
Merci au Diocèse de Marseille pour cet article !
Crédit photo Alexandre et Audrey Carnoy